J’ai déjà rédigé plusieurs billets sur la question de la compétence, et notamment de la compétence territoriale.
Pour mémoire, la compétence est la capacité d’un Tribunal à juger une affaire, soit parce que ce Tribunal est la bonne juridiction pour ce type d’affaire (voir un exemple ici) soit parce que le litige est géographiquement proche du Tribunal.
Le premier critère est la compétence d’attribution: tel type de litige est confié à tel type de Tribunal.
La second est la compétence territoriale: quel est le Tribunal géographiquement compétent.
Tout cela est une pure question d’organisation judiciaire. Cela n’a aucun rapport avec les facultés intellectuelles du juge. Autrement dit, un Tribunal ne sera jamais mécontent que vous lui disiez qu’il est incompétent, car cela ne signifie pas que vous pensez que ses juges sont bêtes, mais que le litige aurait dû être présenté au Tribunal voisin. Au contraire, le juge sera ravi d’avoir une affaire de moins à traiter.
Quelle compétence pour les commerçants
Venons-en à la question de la compétence entre commerçants.
Déjà, par principe, il faut souligner qu’entre commerçants, le Tribunal de Commerce est compétent, en vertu de l’article L721-3 du Code de Commerce selon lequel:
« Les tribunaux de commerce connaissent :
1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;
2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;
3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.
Toutefois, les parties peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l’arbitrage les contestations ci-dessus énumérées ».
Autrement dit, si vous faites du commerce d’une quelconque façon, le Tribunal de Commerce est compétent pour vos litiges. Si vous êtes une société commerciale, cette compétence est naturelle.
En revanche, le Tribunal de Commerce ne juge, a priori, que les commerçants. Une personne ou une entité non commerçante ne peut y être jugée contre son gré. Donc, par exemple, si vous êtes commerçant, vous ne pouvez saisir le Tribunal de Commerce pour un litige avec un client consommateur.
La compétence territoriale entre commerçants : nécessité d’une clause spécifique
Par principe, entre commerçants, les règles normales de compétence territoriale s’appliquent.
Mais il existe une dérogation, dans la mesure où le Code de Procédure Civile prévoit que les commerçants peuvent choisir le Tribunal de Commerce géographiquement compétent.
Ainsi, selon l’article 48 du Code de Procédure Civile:
« Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée ».
Décortiquons un peu ça.
Ce que ce texte veut dire, c’est que les commerçants ont le droit de choisir leur compétence territoriale:
- Pour peu qu’elle ait été convenue entre commerçants : on ne peut l’opposer à un non commerçant (consommateur, par exemple…);
- Qu’elle soit très apparente (pas de petits caractères en niveau de gris);
- Qu’elle figure dans l’engagement de la personne à qui ont veut l’opposer.
Conditions de légalité de la clause de compétence territoriale
Pour que la clause puisse s’appliquer, les trois conditions mentionnées ci-dessus doivent être remplies. La dernière est particulièrement importante. Je m’explique.
Supposons que la société A, qui se trouve à Toulouse, veut que tous ses litiges commerciaux se déroulent dans cette ville. Elle contracte avec la société B, située à Nantes, et un litige s’élève.
Si A veut s’assurer que ce sera le Tribunal de Commerce de Toulouse qui sera compétent, et non celui de Nantes, elles devra l’écrire de façon très lisible dans le contrat la liant à B.
Il est indispensable que la clause de compétence territoriale soit inscrite dans le document contractuel existant entre A et B.
Cette clause, en effet, n’est pas valable si elle est écrite dans un autre document (des conditions générales de vente, par exemple), ou si elle est implicite dans le cadre d’un courant d’affaires, voire si elle figure dans une facture ultérieure.
Autrement dit, il faut qu’elle figure dans le document comportant l’engagement contractuel des parties et validé par le deux sociétés A et B.
Sinon, la clause est nulle et la compétence territoriale de droit commun s’applique de nouveau.