J’expliquais dans mon précédent billet l’importance de toutes les petites choses que fait nécessairement un avocat pour bien remplir sa mission.
Il y a un autre aspect considérable du métier, c’est le respect de la procédure. Considérable, parce que parfois les erreurs peuvent coûter très cher. C’est la raison pour laquelle dans ledit billet, j’évoquais à la fin, rapidement car ce n’était pas le sujet, les erreurs de procédure.
J’ai eu l’occasion d’assister en direct à une telle erreur, dans les temps paléolithiques où je faisais mon stage en juridiction. (Chaque élève avocat à l’époque où j’avais cette qualité effectuait au Tribunal un stage de quinze jours à un mois).
J’avais été affectée à la très intéressante 17ème chambre du Tribunal de Grande Instance de PARIS, qui juge les affaires de presse.
C’était rigolo, la plupart du temps, car les affaires étaient constituées, en grande partie, par des plaintes de stars et autres pipoles mécontents que tel ou tel magazine de bon aloi les aient photographiés sans leur avis, en grande partie aussi par des plaintes de Monsieur Le Pen mécontent que tel ou tel magazine de qualité ait dit sur lui des choses qui ne lui plaisaient pas, le reste des affaires étant constitué, à la louche, par des diffamations et autres injures.
Et puis un jour, tranquillement perchée sur l’estrade à côté des juges, j’ai assisté à une pénible déconfiture.
Si mes souvenirs sont bons, il s’agissait d’un délit de presse tout ce qu’il y avait de simple, très certainement une diffamation.
Il faut savoir que droit de la presse et de la diffamation est un droit très spécifique, délicat à manier, qui exige des formes particulières et surtout le respect de délais stricts, par exemple en matière d’introduction de la demande ou encore pour l’offre de preuve des faits allégués en défense.
Les deux avocats se sont présentés à la barre. Cela n’a pas duré longtemps.
L’avocat du diffameur présumé s’est borné, très tranquillement, à énoncer les diverses nullités dont était entachée la procédure intentée par la partie civile.
Pendant ce temps, l’avocat de la partie civile regardait le président d’un air gêné. Le président aussi avait l’air vaguement gêné. Et pour cause, la partie civile avait accumulé les erreurs procédurales.
Naturellement, la procédure a été annulée. Et vu les délais très stricts dans lesquels est enserrée la procédure des délits de presse, une fois la procédure annulée, il était trop tard pour en entamer une autre.
Ce jour là, l’avocat de la partie civile, qui ne savait manifestement plus ou se mettre, a simplement indiqué au président que, spécialisé en droit du travail, il n’avait guère saisi les subtilités du droit de la diffamation.
Son client a été débouté de toutes ses demandes sans même qu’elles aient été examinées.
Attention, je ne suis pas en train de juger ou de me moquer de cet avocat. Notamment parce que je ne connais pas mieux que lui le droit de la presse et que j’aurais probablement fait les mêmes erreurs.
Je ne doute pas, en outre, qu’il devait faire un malheur devant les juridictions prud’homales et connaître sur le bout des doigts les subtilités du code du travail (et ce n’est pas peu dire).
Mais il avait accepté un dossier dans un domaine qu’il ne connaissait pas suffisamment. Et c’est un risque qu’il faut refuser de courir.
La morale de cette histoire ?
Vous, client candide et sûr de votre bon droit, qui allez consulter un avocat, il vous faut absolument vérifier, en lui demandant tout simplement, qu’il connaît le domaine dans lequel vous souhaitez le missionner.
Le droit est aujourd’hui trop vaste pour qu’une seule personne puisse se prétendre experte dans tous ses aspects.
Donc, posez la question, votre avocat est honnête, il vous répondra, ce qui évitera d’éventuelles déconvenues.