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Peut-on modifier les charges de copropriété?

D’une façon générale, il faut savoir qu’il est très difficile de modifier les charges de copropriété.

1. Tout d’abord, rappelons que selon l’alinéa 1 de l’article 11 de la loi du 10 juillet 1965, on ne peut voter une modification de charges qu’à l’unanimité:

« Sous réserve des dispositions de l’article 12 ci-dessous, la répartition des charges ne peut être modifiée qu’à l’unanimité des copropriétaires ».

Une exception à cette règle résulte de l’alinéa 2 du même article:

« Toutefois, lorsque des travaux ou des actes d’acquisition ou de disposition sont décidés par l’assemblée générale statuant à la majorité exigée par la loi, la modification de la répartition des charges ainsi rendue nécessaire peut être décidée par l’assemblée générale statuant à la même majorité ».

En outre, en toute logique, si l’on sépare un lot en plusieurs fractions qu’on vend séparément, il n’y a pas besoin d’unanimité, puisqu’in fine, le total des charges reste le même. Un simple vote à l’article 24 de la loi suffit. C’est également prévu par l’article 11:

« En cas d’aliénation séparée d’une ou plusieurs fractions d’un lot, la répartition des charges entre ces fractions est, lorsqu’elle n’est pas fixée par le règlement de copropriété, soumise à l’approbation de l’assemblée générale statuant à la majorité prévue à l’article 24 ».

Enfin, si un lot subit un changement d’usage, la modification de la répartition des charges correspondante sera votée à la majorité de l’article 25-e de la loi.

Ceci étant précisé, peut-on obtenir une modification des charges par d’autres moyen que le vote ? La réponse est oui, mais c’est compliqué.

2. L’action en révision de la répartition des charges

Elle est prévue par l’article 12 de la loi qui prévoit deux délais pour l’exercer.

Cette action a pour cause une répartition légale dans son principe mais lésionnaire pour certains copropriétaires.

Cependant elle est encadrée par des conditions très strictes.

Première hypothèse : il faut agir dans les 5 ans de la publication du Règlement de Copropriété. Pour que l’action soit possible, il faut en outre que les tantièmes attachés à un lot soit trop hauts, ou trop bas, à hauteur du quart, par rapport à ce qu’ils devraient être si la répartition légale était respectée.

Sachant que les règles de cette répartition légale résultent de l’application de l’article 10 de la loi, qui fait lui même référence à l’article 5 (vous me suivez?) qui dispose que:

« Dans le silence ou la contradiction des titres, la quote-part des parties communes afférente à chaque lot est proportionnelle à la valeur relative de chaque partie privative par rapport à l’ensemble des valeurs desdites parties, telles que ces valeurs résultent lors de l’établissement de la copropriété, de la consistance, de la superficie et de la situation des lots, sans égard à leur utilisation« .

Donc, si les règles de répartition résultant des articles 5 et 10 ne sont pas respectées, et ce dans une proportion de plus du quart, ET que vous êtes dans un délai de 5 ans de la publication du Règlement de Copropriété, vous pouvez agir en révision de la répartition des charges.

Cela comprend autant vos tantièmes (trop hauts…) que ceux de votre voisin (trop bas).

Un exemple pour comprendre: votre lot est affecté de 130 millièmes de parties communes. Or si les règles des articles 5 et 10 étaient respectées, vous devriez n’avoir que 100 millièmes. Ici la proportion du quart est de 25 millièmes. Or vous dépassez ce quart puisque vous êtes à 130 millièmes.

C’est pareil si votre voisin, qui devrait aussi avoir 100 millièmes, n’en a, par exemple, que 60 : c’est trop bas de plus du quart.

Si vous êtes dans le délai, vous pouvez agir dans les deux cas.

Deuxième hypothèse : on peut engager la même action, mais dans un délai différent.

On peut ainsi faire une action en révision dans un délai de deux ans après avoir acheté son lot, si on l’a acheté à celui qui était propriétaire au moment de la publication du Règlement de Copropriété.

Pour mieux comprendre, expliquons la situation. Primus est propriétaire d’un lot:

  • Soit au moment de la création de la copropriété et donc lors de la publication du premier Règlement de Copropriété. Cela peut arriver dans le cas d’une VEFA, ou de la transformation d’un immeuble de rapport en immeuble en copropriété.
  • Soit au moment où, dans une copropriété existante, un nouveau Règlement de Copropriété est publié.

Puis, il vend son lot à Secundus. Dans un délai de deux ans à compter de cette vente, toujours si les tantièmes sont trop hauts ou trop bas de plus du quart, Secundus peut agir. Or, la vente entre Primus et Secundus pouvant intervenir bien longtemps après la publication du Règlement de Copropriété, ce délai peut en pratique être fort long.

3. L’action en nullité des charges.

Elle résulte de l’article 43 de la loi qui dispose que :

« Toutes clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 37, 41-1 à 42 et 46 et celles du décret prises pour leur application sont réputées non écrites. Lorsque le juge, en application de l’alinéa premier du présent article, répute non écrite une clause relative à la répartition des charges, il procède à leur nouvelle répartition ».

Or si une répartition des charges est contraire à l’article 10 d’ordre public (c’est-à-dire dont l’application est obligatoire), qui fait lui même référence à l’article 5 (non d’ordre public mais d’application obligatoire par référence à l’article10) instituant le mode de calcul, elle peut être attaquée en nullité.

Il ne s’agit pas ici du problème d’une répartition légale dans son principe (pour laquelle seule l’action en révision peut être intentée, si l’on est dans le délai) mais bien d’une répartition illégale car contraire aux articles précités 5 et 10.

En outre, une telle action n’a pas à respecter le délai de dix ans légal en matière de copropriété, ni même, si l’on interprète correctement la jurisprudence, un délai de trente ans.

Couple marié et paiement des charges de copropriété

02E74AC0-01E4-4F3C-92AF-2719DD99F74C.image_600Une question qui peut se poser est de savoir qui, au sein d’un couple marié, règle les charges de copropriété. En effet, plusieurs situations peuvent se présenter. 

Première situation, si un seul des époux est propriétaire du bien, il est évident que c’est à lui seul, peu important le mariage, de régler les charges. Autrement dit, il est le seul interlocuteur du Syndicat des Copropriétaires en matière de charges. Bien entendu, les époux peuvent toujours s’arranger entre eux pour répartir le prix des charges, mais ce n’est pas opposable au Syndicat des Copropriétaires. 

Il faut néanmoins nuancer ce principe. En effet, deux cas peuvent se présenter, à savoir que l’appartement en copropriété peut être le logement des époux, ou non. Dans le second cas, seul l’époux propriétaire paie, comme expliqué au paragraphe précédent. 

Dans le premier cas, en revanche, les charges sont dues par les deux époux car il s’agit d’une dépense du ménage (article 220 du Code Civil), et ce in solidum, ce qui signifie que tout le montant peut être réclamé à l’un ou l’autre par le Syndicat des Copropriétaires, au choix de ce dernier. 

Deuxième situation, l’appartement appartient aux deux époux. Peu important qu’ils y habitent ou pas, ils sont tous deux tenus de régler les charges, là aussi in solidum, comme expliqué au paragraphe précédent. 

Cette situation dure pendant tout le mariage, et n’est modifiée, en cas de séparation des époux, qu’après le jugement de divorce homologuant le partage de la communauté. 

Cela signifie également que lorsque des époux sont en instance de divorce, le Syndicat des Copropriétaires peut très bien choisir à qui réclamer les charges ; cela peut être à celui qui n’habite plus les lieux. 

Troisième situation, une fois cette homologation intervenue, les anciens époux sont en indivision et ne doivent les charges que pour moitié chacun. Autrement dit, le Syndicat des Copropriétaires qui n’est pas réglé des charges doit agir contre chacun d’entre eux, en demandant à chaque fois le règlement de la moitié. 

Photo par Jeff Belmonte

Licence Creative Commons

Les autres copropriétaires doivent-ils payer à la place de celui qui refuse de régler ses charges ?

Il est malheureusement fréquent, dans les copropriétés, que certains ne paient pas leurs charges. Généralement, cela entraîne à leur encontre une action en recouvrement engagée par le syndic au nom du SDC, sans qu’il y ait besoin d’autorisation en Assemblée Générale

Est-ce à dire que les copropriétaires qui s’acquittent de leurs dettes envers la copropriété doivent pallier la carence de celui qui refuse de régler? 

Sur le principe, aucunement. En effet, les charges de copropriété ne font l’objet d’aucune solidarité entre copropriétaires ; chacun paie uniquement ce qu’il doit personnellement.

En revanche, la difficulté est que ce défaut de règlement de charges peut, à terme, mettre en danger la copropriété. 

Par conséquent, l’Assemblée Générale peut décider de répartir les sommes entre les autres copropriétaires, si aucun autre moyen n’a été trouvé (faire vendre l’appartement et se payer sur le prix, faire opposition entre les mains du notaire sur le prix de vente si l’appartement a été vendu à l’initiative du copropriétaire…)

En revanche le syndic n’a pas le droit de faire un appel de fonds, de sa propre initiative, pour combler le vide. 

En outre, il est possible, en cas de difficulté, que l’Assemblée Générale vote un appel de fonds afin de pallier l’absence de fonds, le temps que les procédures de recouvrement portent leurs fruits, étant précisé que par la suite, cet appel de fonds sera remboursé aux copropriétaires par déduction sur ses charges.

© 2024 Marie Laure Fouché

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